Les conséquences d'une perte d'audition non traitée

21-09-2020 - Perte auditive et pathologies Par Marcel Ben Soussan

Contenu mis à jour le 05/11/2021

La perte auditive est un handicap pernicieux qui peut avoir des conséquences néfastes sur la vie quotidienne et la santé des personnes malentendantes. Trop souvent négligée, la surdité n'a pas seulement comme conséquence le fait de moins bien entendre. Elle peut aussi dégrader la qualité de vie et devenir un facteur de risque pour le développement de certaines pathologies. Pour y palier, le port d'appareils auditifs serait conseillé.

La perte d'audition, qu'est ce que c'est ? Quelles sont ses causes ?

La perte d'audition peut être neurosensorielle (perte de perception) ou bien de transmission (problème au niveau de l'oreille externe ou moyenne : surdité de transmission). Dans la plupart des cas, il s'agit d'une surdité acquise de perception. Ce sont les cellules ciliées, logées dans la cochlée (oreille interne), qui sont détruites, diminuant les capacités d'audition. Celle-ci est généralement causée par le vieillissement (presbyacousie) mais d'autres facteurs peuvent être en cause comme l'exposition au bruit (sons forts). Voici une liste des origines possibles de perte d'audition les plus courantes :

  • La presbyacousie (la plus courante)
  • Traumatismes sonores (exposition au bruit)
  • Bouchon de cérumen ou autres corps étranger dans l'oreille
  • L'ototoxicité de certains médicament
  • Une surdité d'origine congénitale (souvent précoce mais pouvant être progressive)
  • Un dysfonctionnement du nerf auditif
  • Une malformation cochléaire

Les problèmes de communication liés à la déficience auditive : la face émergée de l'iceberg

Lorsqu'un individu perd ses capacités auditives, le premier fait révélateur sont les troubles de communication. La personne malentendante va progressivement éprouver des difficultés à comprendre ses interlocuteurs, d'autant plus dans les situations bruyantes où les voix s’entremêlent avec le bruit ambiant.

En plus des difficultés intrinsèques à la perte de l’ouïe s'ajoute la considération de ce handicap "invisible" par la personne concernée et son entourage. Cette dernière à plutôt tendance à dénier la réalité de sa condition, reportant sa possible correction. Quant à l'entourage, que ce soit dans le cercle familial, social ou professionnel, les interlocuteurs ne font pas nécessairement attention à ces troubles auditifs et parlent donc normalement. Les conversations sont donc compliquées et décourageantes.

A force de faire répéter et de ne pas comprendre, le risque pour le patient est le repli sur soi et l'auto-censure, ayant pour conséquence une perte de confiance en soi et l'abandon progressif de certaines interactions car sources de frustrations, d’irritabilité ou d'un sentiment de honte.

Outre les problèmes de communication, la déficience auditive porte également des conséquences physiques comme de la fatigue, du stress ou encore des maux de tête du fait de l'effort d'écoute supplémentaire à fournir constamment.

Les risques d'une perte d'audition sur la santé

Les problèmes de communication sont les plus évidents et visibles au quotidien. Néanmoins, la perte d'audition n'impact pas seulement les interactions sociales mais est également un facteur de risque pour la santé des personnes malentendantes.

Une cause possible de dépression et d’anxiété

La déficience auditive peut engendrer certains troubles psychologiques comme de la frustration, de l'anxiété en présence d'autrui ou bien une tendance à l'isolement en évitant par exemple les activités de groupe. Selon le Dr Chuan-Ming Liune dans une étude publiée en 2014 de l'Institut national sur la surdité et d'autres troubles de la communication (NIDOCD)[1], près de 11% des personnes sondées ayant une déficience auditive légère avaient une prévalence à la dépression, contre 4,9% pour les normo-entendants. Cette étude n'entend pas prouver de causalité mais ces indicateurs sont tout de même préoccupants et illustrent bien les mécanismes que la perte d'audition peuvent engendrer sur la psyché des personnes malentendantes.

Par ailleurs, toujours dans la même étude, le Dr Chuan-Ming Liune a pu relevé que 9 personnes sur 10 ayant eu recours à l'appareillage auditif ou bien l'aide d'un professionnel de l'audition on signifié une amélioration de leur qualité de vie.

Déclin cognitif et démence, vers un consensus sur l'impact de la surdité

Plus récemment, plusieurs instituts et chercheurs se sont penchés sur les relations entre surdité et déclin cognitif. La plupart des travaux qui ont été publiés sur le sujet ont pour point commun de soulever un facteur de risque accru de développer des formes de démence ainsi que l'accélération du déclin de certaines fonctions cognitives comme la mémoire.

L'étude la plus marquante est celle de l’équipe conduite par le professeur Hélène Amieva. Outre le fait de valider la contribution de la perte de l’audition au déclin cognitif, Celle-ci apporte des résultats édifiants. En effet, d’après cette étude [2], les troubles auditifs représentent un risque accru – ou sur-risque – de dépression, de démence et de dépendance. C’est à la suite d’une longue démarche empirique impliquant près de 3700 personnes sur 25 ans (cohorte PAQUID) que ces conclusions ont été avancées en 2018.

En ce sens, il est difficile de fermer les yeux sur de tels dangers ; rappelons qu’après 65 ans, c’est environ 30% des individus qui sont touchés par des troubles de l’audition. Le diagnostic clinique à l’origine de ce constat se fonde par ailleurs sur une évaluation de la démence qui est de qualité, expliquait Hélène Amieva ; des médecins spécialistes ont analysé avec soin les patients participant à l’étude, au travers de trois étapes successives mobilisant différents niveaux d’expertise. Il en est ressorti que les sujets admettant souffrir de troubles de l’audition présentent un risque supérieur de démence [3].

Un facteur de risque pour le développement de la Maladie d'Alzheimer et la perte de mémoire

La déficience auditive pourrait également avoir un rôle dans l'apparition de maladies neurodégénératives comme Alzheimer, caractérisée par une dégradation de la mémoire. Tout d'abord, la mémoire à court terme, car logiquement, difficile de garder en tête quelque chose qu'on a mal entendu. Selon certains experts comme le Dr Clare Walton, la perte auditive permanente mobiliserait davantage certaines parties du cerveau pour réussir à décoder les signaux auditifs qui lui parviennent. Cette mobilisation supplémentaire, anormale, aurait un impact sur d'autres zones du cerveau qui manqueraient alors de stimulis, le rendant plus susceptible d'être endommagé.

D'autre part, certaines études ont pu relevé un lien entre perte auditive et développement de la maladie d’Alzheimer. Dans une étude de 2013 [4], Le Dr Franck Lin a déclaré que les personnes atteintes de perte d'audition étaient plus enclins à développer la maladie d’Alzheimer.

Facteur de stress et de fatigue

Quand on ne voit pas bien, on se concentre davantage et force sur ses yeux. Pour la perte d'audition, c'est la même chose. Lorsqu'on n'arrive pas à comprendre, on fournit davantage d'effort pour parvenir à comprendre la parole. Cet effort supplémentaire entraîne de la fatigue auditive et cérébrale.

Un terrain propice au développement d'acouphènes et d'hyperacousie

La perte d'audition, notamment liée au vieillissement, s'accompagne souvent d'acouphènes, voire d'hyperacousie. Ces problèmes d'audition peuvent grandement impacter la qualité de vie car leur intensité va crescendo avec l'évolution de la perte d'audition. Dans le cas des acouphènes permanents, plus la perte d'audition est sévère, plus l'intensité de ces derniers sera importante puisque leur perception ne dépend pas des capacités d'audition neurosensorielles. Les sons environnants ne les couvrant plus suffisamment ou très peu pour être oubliés.

Que faire en cas de perte d'audition ?

Cependant, nul besoin de s’inquiéter outre mesure. Hélène Amieva affirme en effet que ce sur-risque diagnostiqué chez les individus souffrant de troubles auditifs est absent chez les personnes appareillées ; de fait, l’appareillage apparaît être la solution première afin d’endiguer ce risque supplémentaire de démence qui vient avec l’âge et la perte de l’audition.

C’est une conclusion similaire à celle de la démence qui est émise au sujet de la dépendance, le risque apparaissant significatif chez les personnes qui n'ont pas d'appareils auditifs. Bien-entendu, nous parlons ici de dépendance dans les actions de la vie quotidienne ; une perte d’autonomie en d’autres termes. Ces résultats sont suffisamment sérieux pour chercher à les confirmer définitivement au travers d’une étude d’intervention, c’est ce qu'explique finalement Hélène Amieva.

Les enjeux sociaux d’un tel constat ne sont pas négligeables, et la prise en charge de certains traitements afin d’accompagner les individus dans la vieillesse peut être légitimement imaginée. Quoi qu’il en soit, la prise de conscience de ces risques constitue déjà un pas en avant remarquable, et il serait souhaitable qu’une forme de prudence liée à la perte de l’audition soit progressivement adoptée par la population. Pour ce faire, il est important de rappeler l'importance du dépistage auditif.

L'appareillage auditif pour retrouver ses capacités de compréhension et stimuler le nerf auditif

Si elle est prise en charge assez tôt après le diagnostic, la baisse de l'acuité auditive peut être corrigée avec un appareillage auditif adapté. L'amplification des aides auditives va compenser le déficit auditif du patient. Ainsi, il sera plus facile d'entendre et celui-ci stimulera à nouveau les voies nerveuses et cérébrales liées à l'audition. Contrairement à la baisse de l'acuité visuelle, la baisse d'audition ne se limite pas au fait d'entendre les sons. Le plus difficile est de restaurer des capacités de compréhension de la parole suffisantes pour améliorer la qualité de vie du patient. Objectif atteignable, mais il il faut pour cela que la privation sensorielle liée à la perte d'audition soit le plus écourté possible. D'où l'intérêt d'être prise en charge au plus tôt.

Si la perte d'audition est trop profonde et que les prothèses auditives ne permettent pas d'y palier l'implant cochléaire peut être envisagé dans certains cas.

Sources et références

[1] Li C, Zhang X, Hoffman HJ, Cotch M, Themann CL, Wilson M. Hearing Impairment Associated With Depression in US Adults, National Health and Nutrition Examination Survey 2005-2010. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. 2014;():. doi:10.1001/jamaoto.2014.42.

[2] Self-reported hearing loss, hearing aids, and cognitive decline in elderly adults: A 25-year study. Amieva H, Ouvrard C, Giulioli C, Meillon C, Rullier L, Dartigues JF. J Am Geriatr Soc. 2015 Oct;63(10):2099-104. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jgs.13649/abstract

[3] Amieva H, Ouvrard C, Meillon C, Rullier L, Dartigues JF. Death, Depression, Disability, and Dementia Associated With Self-reported Hearing Problems: A 25-Year Study. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2018 Jan 3. doi: 10.1093/gerona/glx250.

[4] Lin FR, Yaffe K, Xia J, et al. Hearing loss and cognitive decline in older adults. JAMA Intern Med. 2013;173(4):293-299. doi:10.1001/jamainternmed.2013.1868

Marcel Bensoussan, Audioprothésiste et responsable audiologie
Marcel Ben Soussan
Audioprothésiste et responsable audiologie
Diplômé d'Etat en 2013, Marcel Ben Soussan est un audioprothésiste expérimenté chez VivaSon. En charge de la formation technique des audioprothésistes au sein de l'enseigne et dans les écoles d'audioprothèses, Marcel Ben Soussan est Responsable Audiologie chez VivaSon depuis 2015.

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