Mis à jour le 23/04/2024
Ces petits sons parfois inaudibles pour certains, dont la plupart des gens ne portent pas attention, peuvent en réalité être un vrai calvaire. Cette intolérance à certains sons du quotidien, normalement supportables, caractérise ce qu'on appelle depuis peu la misophonie. Un trouble neurologique et psychologique qui se manifeste par une vive gêne et une profonde irritabilité.
Misophonie signifie « haine du son », C'est un terme qui vient du grec miso, qui signifie « haine », et phono, le « son ». Cette aversion au son, aussi appelée « sensibilité sélective à certains sons » (4S ou SSSS), se traduit par une forte réaction à des bruits spécifiques du quotidien qui ne viennent pas de soi-même. A l'écoute de certains sons (déclencheurs), les personnes sujettes à la misophonie peuvent éprouver une réaction épidermique d'une forte violence.
Selon une étude de chercheurs de l’université de Newcastle pour Current Biology, ce trouble se caractériserait notamment par une hyperactivation du lobe frontal et du cortex insulaire, régions du cerveau impliquées dans les mécanismes de l'attention. [1] Ces biais de convergence entre le lobe frontal et le cortex insulaire perturberaient la focalisation et entraîneraient des réactions émotionnelles disproportionnées.
Le terme "Misophonie" existe depuis 2000 seulement, suite aux travaux de Pawel Jastreboff et Margaret Jastreboff de l'université Emery d'Atlanta. Cette non-tolérance est à différencier de l’hyperacousie ou l’acouphène, qui sont causés par un dysfonctionnement du système auditif.
Cette aversion aux sons produits par les autres, qui va de l’agacement à l’enragement, est souvent provoquée par des sons et bruits communs du quotidien :
De nombreuses pathologies ou états psychologiques peuvent favoriser le développement de ce trouble auditif. On peut notamment citer :
Le diagnostic d'une misophonie peut être réalisée par un psychothérapeute, un psychologue ou un psychiatre. Il se base généralement sur des questionnaires pour retracer l'évolution du trouble et en extraire les principaux déclencheurs. Il n'existe pas de consensus et de méthodologie clinique commune pour établir ce diagnostic.
L'un des outils utilisé par les psychiatres est l'échelle Amsterdam Misophonia Scale. Une adaptation du Y-BOCS (Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale), utilisé pour mesurer le degré de troubles obsessionnels compulsifs.
La misophonie entraine des réactions immédiates à des sons spécifiques, on peut lister plusieurs types de réactions et conséquences sur le quotidien pour tenter de les éviter :
La misophonie apparait le plus souvent à un jeune âge et peut s'aggraver avec le temps, avec de nouveaux sons déclencheurs ou une gêne davantage marquée.
Il n’existe pas de réel médicament à cette maladie, mais réaliser un traitement de fond psychologique avec une approche pluridisciplinaire reste aujourd’hui la meilleure solution.
La TRT est une thérapie d'habituation aux acouphènes qui peut être également prescrite dans le cas d'une misophonie. Si vous avez déjà des acouphènes et / ou une perte d'audition, le port d'un appareil auditif avec générateurs de bruit peut aussi vous soulager.
Il s’agirait ici de vaincre le mal par le mal. S’exposer à ces sons déclencheurs tout en associant une écoute agréable afin de créer une association positive avec les sons qui posent problème. L’objectif étant de s’habituer à ces bruits irritants pour que le cerveau ne les considère plus comme dérangeants mais normaux. C’est un travail sur le long terme qui peut être assez difficile, mais qui porte ses fruits. En moyenne, celui-ci dure 9 mois et fonctionne dans 90% des cas. Certaines personnes se munissent également de boules quies pour sortir ou de casque antibruit.
Les techniques d'hypnose peuvent être utilisées en complément d'une thérapie cognitivo-comportementale. Il n'existe cependant pas de précédents pour confirmer leur efficacité. De nombreux misophones ayant testé cette solution thérapeutique n'en vantent par ailleurs pas les bienfaits.
L'approche pluridisciplinaire étant la clé, de nombreux professionnels de santé peuvent intervenir dans la prise en charge du patient, que ce soit dans la phase de diagnostic ou de suivi : Médecin ORL, psychothérapeute, psychiatre, audioprothésiste, sophrologues...
Pour plus de conseils, astuces et soutiens concernant cette gêne, rendez-vous sur misophonie.fr.
En plus d'un suivi clinique, les personnes misophones peuvent adopter certains comportements au quotidien pour limiter la gêne :
La phonophobie est littéralement une peur face à certains sons, souvent impulsionnels. Aussi appelée ligyrophobia, elle peu provoquer de grandes frayeurs et une réaction de panique suite à l'écoute de certains sons.
L'hyperacousie peut être injustement associée à la misophonie. Elle partage avec elle la réaction aversive à certains sons mais sont bien différentes. Contrairement à la misophonie, l'hyperacousie se manifeste suite à un dysfonctionnement du système auditif, avec généralement une fragilité cochléaire. Elle se traduit par une hypersensibilité au bruit qui peut devenir douloureuse dans les cas les plus sévères.
[1] Kumar, S., Hancock, OT., Sedley,, W., Winston, JS., Callaghan, MF., Allen M., Cope, TE., Gander, PE., Bamiou, DE., Griffiths, TD (2017). The brain basis for misophonia. Current Biology (in Press).DOI: 10.1016/j.cub.2016.12.048
[2] Sztuka A, Pospiech L, Gawron W, Dudek K., « DPOAE in estimation of the function of the cochlea in tinnitus patients with normal hearing. », Auris Nasus Larynx, vol. 37, no 1, 2010, p. 55-60 (PMID 19560298, DOI 10.1016/j.anl.2009.05.001)
[3] Schröder, A., van Wingen, G., Eijsker, N. et al. Misophonia is associated with altered brain activity in the auditory cortex and salience network. Sci Rep 9, 7542 (2019). https://doi.org/10.1038/s41598-019-44084-8
Le Monde, Misophonie ou l’aversion à certains sons produits par une autre personne, en ligne, consulté le 17/11/2021
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